Si Thoras est actuellement une commune du département de la Haute-Loire, sous l’ancien régime, elle a été seigneurie, puis baronnie de Gévaudan.

Depuis 1558,  la seigneurie de Thoras relève de la généralité de Montpellier, de la sénéchaussée et du baillage de Gévaudan :

  • La généralité est une division administrative du royaume de France, établie pour faciliter la levée des impôts et gérer tout ce qui a rapport aux finances.
  • La sénéchaussée est l’étendue territoriale de la juridiction du sénéchal. Celui-ci, officier royal, administre et entretient la justice mais ne la rend pas. Le sénéchal de Gévaudan siège à Mende. Avant le XVe siècle, le Gévaudan relevait de la sénéchaussée de Beaucaire.
  • Le baillage est le tribunal qui rend la justice moyenne et haute au nom ou sous la présidence du bailli. Son siège est également à Mende. Le bailli, officier royal d’épée, a droit de commander la noblesse quand elle est convoquée pour l’arrière-ban. Localement, dans chaque seigneurie, il délègue l’exercice de la justice basse à un autre bailli, officier de robe qui rend la justice au nom du seigneur.

Lors de la Révolution de 1789, la sénéchaussée et le baillage sont dissous, et tout le canton de Saugues est incorporé au nouveau département de la Haute-Loire, le reste du Gévaudan formant la Lozère (à laquelle les cantons de Meyrueis et Villefort sont joints).

Encore un peu d’histoire …

Le Château de Thoras

Les premiers titulaires de la seigneurie de Thoras furent les Douchanez. Vers 1230, à la suite d’un conflit armé avec l’évêque-comte de Mende, Pons de Douchanez est obligé de reconnaître la suzeraineté de Béraud V de Mercoeur. Le dernier des Douchanez avant de s’éteindre sans descendance lègue ses biens à Astorg de Peyre.

Vers 1420, Thoras entre par mariage dans la famille d’Apchier qui procède vraisemblablement à l’édification du château. Le château barre vers le nord l’éminence qui porte le village. Il est séparé de l’église par une tour-porte carrée frappée des armes des Apchier.

Le château actuel est le résultat de plusieurs campagnes de construction. Le logis possède deux tourelles rondes dont l’une flanque l’angle sud-ouest et l’autre en milieu de façade abrite l’entrée et l’escalier en vis. La porte d’entrée encadrée de pilastres cannelés reçoit des chapiteaux ioniques supporte un entablement à agrafes dans l’esprit Renaissance. Le système défensif se borne aux jours pour armes à feu et aux supports d’échauguettes placées aux angles du logis. Les bretèches situées près du clocher-porche ou de la tour sud-ouest ne sont en réalité que des latrines.

Les foires et les marchés

Les marchés et les foires sont des lieux de rassemblement et d’échanges anciens. L’autorité royale les crée, à la fin du moyen âge, pour une mise en valeur des régions appauvries par les guerres. En 1485, une lettre patente institue une foire à Saugues car la ville est fortifiée permettant la défense et la protection des biens des marchands. De plus son établissement est renforcé par la présence d’un chemin de pèlerinage.

A la période moderne, des centres de foires plus modestes et très ruraux apparaissent à Thoras et à Croisances. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les foires et les marchés connaissent un nouvel essor lié au développement du réseau ferré et des axes routiers.

Certains documents conservés aux archives départementales mentionnent la diversité des produits présents sur le marché de Saugues : … « bêtes à cornes et à laines, …sabots, étoffes du pays, poteries… » ou de Thoras : « … bestiaux, laine… ». A partir des années 1950, la tendance est à la spécialisation des marchés avec une dominante des marchés aux bestiaux.

Les églises rurales

Les caractères généraux

Les églises semblent pour la plupart avoir été édifiées à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle. L’observation de certains éléments permet de corroborer cette datation malgré les remaniements ultérieurs. Les plans sont simples et comportent généralement une nef unique couverte d’un berceau lisse prolongée par une travée droite ouvrant sur le chœur.

Les églises rurales des villages comme Croisances possèdent une abside pentagonale rythmée par une série d’arcatures. A l’extérieur les chevets à pans coupés présentent une grande régularité dans les parements en raison de l’utilisation du granite taillé en blocs réguliers et litages marqués. Le plus souvent une simple corniche à peine moulurée sépare le toit du mur gouttereau. Parfois des modillons sculptés ornent le chevet comme à Croisances. En raison du climat rigoureux margeridien, l’entrée est placée sur le côté sud et les portails adoptent des moulurations prismatiques au décor gothique flamboyant.

Le décor sculpté à l’intérieur est caractéristique des petites églises rurales. Les chapiteaux à motifs végétaux sont les plus nombreux avec des feuilles d’eau, des feuilles d’acanthes ou des motifs arborescents stylisés. Des personnages zoomorphes, des animaux tels que des quadrupèdes ou des oiseaux peuplent cet univers végétal. A l’église Notre-Dame de l’Assomption de Croisances, la présence d’une sirène à double queue dans le chœur, nous renvoie à une thématique chère aux imagiers romans auvergnats.

L’église paroissiale de Thoras a été remaniée par un maître-maçon local Baptiste Dumond à la fin du XIXe siècle.

L’église Notre-Dame de l’Assomption de Croisances

Cet édifice est remarquable par la qualité de sa construction.

La seigneurie et la paroisse

Depuis le XIIe siècle, Croisances appartient à une enclave de la famille d’Apchier au cœur d’un ensemble de fiefs relevant majoritairement des seigneurs de Douchanès. Cette seigneurie semble bien figurer comme l’un des plus anciens fiefs de la seconde famille d’Apchier issue dès le XIe siècle des seigneurs de Chateauneuf-Randon.

A la fin du XVe siècle, la seigneurie et son mandement sont érigés en vicomté par Louis XI en faveur de Jacques d’Apchier. Croisances demeurera dans la famille d’Apchier jusqu’à la Révolution. La paroisse relevait directement de l’évêché de Mende et bénéficia de donations importantes lors de l’épiscopat d’Odilon de Mercoeur. Ainsi, une église remarquable par sa qualité de construction et son ampleur fut édifiée au cœur du village de Croisances. Malheureusement, la première travée de la nef s’effondra à une date indéterminée mais très probablement antérieure au XVIIIe siècle. Depuis 1969, l’édifice est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques.

L’architecture : Un plan simple

L’église, dédiée à Notre-Dame de l’Assomption fut construite en une seule campagne de travaux au milieu du XIIe siècle. Les maçonneries apparentes sous plusieurs couches de badigeons permettent d’observer la qualité de l’appareil de pierres. Le plan simple comporte une nef unique couverte en berceau et prolongée vers l’est par une travée droite ouvrant sur une abside pentagonale voûtée en cul-de-four.

La nef actuelle est réduite depuis la disparition de la première travée à l’ouest. Cet effondrement a, semble-t-il, entraîné la voûte originelle qui a été reconstruite sans le rétablissement de la corniche. En revanche, les colonnes et chapiteaux qui recevaient l’arc doubleau ont été conservés.

L’arc triomphal adopte le profil de la voûte en plein cintre légèrement brisé. Il est supporté par des colonnes semi-circulaires engagées sur dosseret dont les bases adoptent un profil classique pour la période romane : tore*, scotie*, tore.

L’abside à cinq pans est rythmée par une série d’arcatures supportées par une banquette de pierre. Certaines des baies du chœur ont été obstruées pour permettre l’édification d’une sacristie qui englobe une partie du chevet.

*Tore : moulure ronde et épaisse. *Scotie : moulure concave placée entre deux tores.

Impression extérieure : La travée disparue

Elle nous renseigne sur l’aménagement intérieur de l’église. En effet, le mur sud a conservé une baie romane d’origine, réduite à la présence d’une fente d’éclairage étroite avec un fort ébrasement complété d’un emmarchement. Surmontant celle-ci, un clocher peigne a été établi probablement à la période moderne.